vendredi 13 novembre 2015

Je reproduis un extrait de l'excellent livre Encarté! d'Achraf Ben Brahim qui définit très bioen le personnage de Jean-Luc Mélenchon 

Le tribun rouge, le Georges Marchais 2.0 comme on aimait le surnommer ne laissait jamais insensible.
Là où la plupart des personnalités politiques se plaisent à prononcer des discours écrit par un assistant parlementaire au dents longues, lui écrivait les siens lui-même. Là où la plupart des personnalités politiques passent leurs temps à citer des hommes et femmes historiques pour essayer de se draper d'une vertu qui n'est pas la leur, lui préfère expliquer les différentes lois et problématiques nationaux. De ce fait, je trouvais beaucoup plus instructif d'écouter ce dernier, car à la fin, j'étais au moins sur d'apprendre un fait nouveau. Le succès de Jean-Luc Mélenchon ne se résume néanmoins pas à ses prouesses tribunitiennes mais à la teneur de ses arguments. Il savait insuffler l'espoir, l'alternative , le changement là où bon nombre de nos élus se contentent de prôner la résignation qu'ils ont l'audace d'assimiler à du courage lorsqu'il s'agit d'augmenter l'age de départ à la retraite ou le taux de la TVA. Même s'il a passé une trentaine d'années au PS, il a eu le courage de le quitter plutôt que de sombrer avec ce dernier au moment où il devenait un parti social-démocrate tout en se lançant quasi-seul dans l'arène présidentielle, au cours de laquelle on l'a moqué après lui avoir prédit 3%. Contrairement à la soi-disante gauche du PS incarné par Benoit Hamon, Aurélie Filippetti ou Jean-Marc Germain, en désaccord avec la politique mené mais qui pour rien au monde ne quitteront la maison-mère de peur de perdre leur mandat. Je me reconnaissais aussi dans son engagement car il a un parcours politique cohérent et pour le moins quasi-miraculeux. C'était l'un des rares cadres du Parti Socialiste qui a connu la précarité militante, à savoir être en bas de l’échelle et distribuer des tracts ou faire de la manutention afin d'organiser réunions et congrès alors que des Dominique Strauss-Kahn ou François Hollande n'ont eu qu'à confortablement s'asseoir sur les chaises des plateaux de télévision, parlant de socialisme après avoir terminé HEC et l'ENA. Je me sentais également proche de son parcours personnel. Lui-même pied noir marocain, il comprenait la douleur du départ et le mépris qui accueille l'immigré qui arrive en France. Idem pour ses activités extra-politique. Ni conflit d’intérêt, ni activité de conseil ou de société d'économie mixte, c'est un homme d'honneur et droit sur le plan de l’honnêteté. Les droits d'auteur de ses livres sont reversés à son association politique pour qu'elle puisse éditer de nouveaux écrits. De condition modeste et tour à tour pompiste, pigiste, correcteur typographique, il savait la bataille quotidienne des millions de français pour essayer de vivre dignement. Il avait pour toutes ces raisons, mon admiration sur le plan humain. Pour autant je n'étais pas aveugle ou enfermé dans une Mélenchon-mania qui m'empêcherait de formuler des critiques à son encontre. La première est historique : son vote favorable au traité de Maastricht qui a progressivement conduit au déclin de l'Europe via le libre-échange et la fin des frontières. Il s'en justifiera en affirmant avoir pensé que ce traité « clouerait la main des allemands sur la table » et empêcherait la spéculation contre la monnaie en reprenant la citation de François Mitterrand. Mais il a tout de même compris son erreur et a fait campagne contre le non en 2005 lors de la constitution européenne alors que le PS faisait campagne pour le oui. Je suis également en opposition avec son acharnement à l'encontre du Front National. Il a commis une erreur en se parachutant à Henin-Beaumont car Marine Le Pen y avait un encrage contrairement à ce dernier, donnant l'image d'un candidat hanté par le Front National. Il aurait du éviter les provocations et les invectives à l'encontre du parti frontiste. Idem lorsqu'il a manifester son intérêt pour être nommé Premier Ministre de François Hollande, cela n'a fait qu’aggraver son image de «rabatteur de voix pour le parti socialiste comme me l'ont confié plusieurs militant du NPA et de Lutte Ouvrière. Tout cela discrédite son image. Image qui,comme tout le monde le sait, est sujet à de régulières controverses et fait de lui la cible préféré des JT. Pour moi, l'image de Jean-Luc Mélenchon est tantôt catastrophique tantôt au beau fixe, si bien qu'il y a deux sortes de Mélenchon. En premier lieu, il y a un Mélenchon brillant orateur, brillant ministre comme l'atteste son passage à la tête de l'enseignement professionnelle, brillant intellectuel : il a écrit plus de seize livres mais surtout polyvalent : vous pouviez parler avec lui des mécanismes de la III eme république tout comme de littérature ou de philosophie. C'est d'ailleurs pour cela qu'il introduit souvent de la poésie dans ses discours. C'est à la fois beau et problématique car il a tendance à confondre le pamphlet avec le réalité aride et technocrate de la politique. Ce Mélenchon- là plaisait énormément au « Bobo » et autre romantique, versé dans une sorte d'humanisme chic plus qu'autre chose, Clémentine Autain en est la représentation parfaite. C'est d'ailleurs pour cela qu'il l'a prise comme porte-parole en 2012. Mais ce Mélenchon-là est trop souvent rattrapé par un caractère colérique, comme en atteste ses altercation avec divers journalistes ou un militant frontiste à Hénin-Beaumont qu'il a traité de « gros imbécile » et de « crétin ». « J'ai un caractère passionné » se justifie t-il. Mais cela dépasse la passion, à tel point qu'il supporte rarement la contradiction, ce qui l'éloigne d'un électorat comme la classe moyenne qui peut être convaincu par son discours mais qu'il refroidit par ses ardeurs et un vocabulaire frisant parfois le populisme comme « Il faut donner un coup de balai ! » ou « qu'ils s'en aillent tous ». Il s'en justifie là encore par un « Je parle comme tout le monde ». Certes, mais en tant que représentant politique aspirant à gouverner le pays, les français s'attendent justement à le voir aller au delà du français lambda parlant au café du coin, et à adopter une posture un peu plus responsable et sérieuse, quitte à ne pas répondre aux provocations et autres caricatures qu'il qualifie parfois de « saloperie » comme ceux de Plantu. Prendre de la hauteur, c'est ce qui manquait surement le plus à Jean-Luc Mélenchon. Pour ma part, si j'étais convaincu que ce dernier pouvait faire un bon maire, un bon député, voir un bon ministre car sincère et réellement désireux d'améliorer le quotidien de ses concitoyens, j'étais au moins sur d'une chose: il ne sera jamais président de la république. Pourquoi ? Car ce n'est pas son ambition. Ne sera pas président celui qui ne sacrifie pas sa vie et ses principes sur l'autel de cette ambition. Ambition qui ne se révèle pas du jour au lendemain, il faut être quasi-obsédé par ce poste, jusqu'à ne vivre que pour ça et faire en sorte que sa propre vie ne tourne qu'autour de ça comme c'était le cas pour Nicolas Sarkozy. Mais de toute façon, l'ambition de Jean-Luc Mélenchon, ce n'est pas l'Elysée. Ni la célébrité et encore moins l'argent ou le matériel. Non, ce que désire Jean-Luc Mélenchon, c'est rentrer dans l'histoire. Il rêve d’être de ceux qui ont battit la république et renversé la monarchie. C'est pourquoi il est un passionné de la révolution, que ce soit celle de 1987 voir contemporaine, comme celles en Tunisie ou en Amérique du Sud où il se rend souvent. Il aime se revendiquer héritier des lumières, ce qui explique qu'à plusieurs reprises, il déclamera « Nous, les philosophes des lumières » en parlant de l'éducation. Idem lorsqu'il s'agit de parler des grandes figures de la gauche comme Jaurès, qu'il englobe en un « les nôtres ». Sa nostalgie le mène à parfois se voir en révolutionnaire exalté, voyant des privilégiés un peu partout. Par exemple, lorsqu'il reçoit le prix trombinoscope de la révélation politique de l'année en 2011, il assène un « Comme c'est émouvant, pour le roturier que je suis, de figurer parmi la noblesse de l'entre-soi et de voir rassemblé dans une même salle, ceux dont je souhaite si ardemment le départ », provoquant les rires d'un parterre composé de Jerome Cahuzac, Christophe barbier ou encore Laurent Joffrin réunie dans le prestigieux hôtel Lassay dans le VII eme arrondissement parisien. Mais le temps des nobliaux et des privilèges qu'il de transposait à la finance et au fameux riches est révolue. C'est surement pour laquelle les français s’intéresse peu à la « révolution citoyenne » ou à la « révolution fiscale » qu'il essaye de mettre en avant. Idem pour les sujets qu'il veut rendre visible comme l'économie de la mer ou la sixième république qu'il défend toujours via le lancement en octobre 2014 de la pétition en ligne « je signe pour la sixième république », appelant les français de toutes tendances politiques à demander l’élection d'une assemblée constituante pour écrire une nouvelle constitution. Il croit en ses idées et ne démord pas mais à long terme, je ne crains qu'il ne soit condamné à se faire des illusions sur lui-même."

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