Sur une conférence

Jeudi à l’aumônerie de sciencespo intervenait le président de l’association Fraternité en Irak. Il a commencé par nous dire quels groupes persécutés étaient soutenus par fraternité en Irak. Il y a des monophysites syriaques orthodoxes et des syriaques catholiques ralliés à Rome. Il y a aussi des nestoriens (assyriens) et des nestoriens catholiques (chaldéens). Mais Fraternité en Irak intervient aussi pour aider d’autres minorités religieuses qu’il ont découvertes sur place tels les mandéens (qui croient que saint Jean-Baptiste est le dernier prophète, les kakais à la religion issue du zoroastrisme et les yézidis maintenant mondialement célèbres depuis que l’oei les a ciblés en tentant de leur faire subir un génocide.

Ces minorités de même que les autres irakiens ont souffert du lourd tribut humain de la guerre Iran Irak (Qaraqosh la grande ville chrétienne de la plaine de Ninive est appelée depuis la ville aux mille veuves), de la première guerre du Golfe et de la famine liée à l’embargo international sur l’Irak. De plus, même si le régime de Saddam Hussein était plus « laïc », les minorités religieuses appartenant à des groupes non arabes ont souffert du nationalisme arabe virulent du régime de Saddam Hussein, celui-ci a mis en place une politique dure de réislamisation après 1990 et le pouvoir suprême était malgré tout accaparé par les arabes sunnites.

L’invasion américaine de 2003 a aboutie à une décomposition de l’état irakien et à une véritable guerre civile intra irakienne entre sunnites et chiites (même si le facteur religieux n’était clairement pas leur seul). Dans ce contexte, les minorités religieuses ont été de plus en plus ciblées et victimes d’enlèvements avec demandes de rançon ou meurtres (en 2008 pour l’archevêque assyrien de Mossoul). En 2010, al Qaeda en Irak qui allait devenir l’oei en Irak massacre des paroissiens qui assistaient à la messe à Bagdad. Cela a entrainé une vague de persécutions des chrétiens. Pour les yézidis, 400 d’entre eux ont étés tués par des attentats à la voiture piégée en 2007.

Dans ce contexte, Fraternité en Irak s’est créée avec plusieurs objectifs : aider les minorités religieuses en Irak face aux situations d’urgence mais aussi les aider à se réinsérer dans le tissu social irakien par des projets bénéficiant à toute la population irakienne. Pour cela, l’association a développée des projets tels que la création d’écoles, de centres de soin ou de projets favorisant l’emploi. Mais les attaques de l’oei qui s’est livré à une épuration ethnique des chrétiens et à un génocide des yézidis ont marqué un tournant en poussant Fraternité en Irak à apporter une aide humanitaire d’urgence aux réfugiés chrétiens et yézidis à l’intérieur du Kurdistan irakien. Depuis la libération de la plaine de Ninive, ils financent des opérations de déminage (l’oei ayant miné les maisons et les champs), la reconstruction du monastère de mar benham lieu central de la spiritualité des chrétiens syriaques ou la reconstruction des maisons détruites.

Cependant, fraternité en Irak se contente d’apporter l’argent aux acteurs locaux et de les aider ponctuellement mais sans se substituer à eux pour permettre à des réelles dynamiques de développement d’émerger et pour ne pas perturber les équilibres internes aux communautés locales. De plus, l’association fonctionne en bonne partie par le bouche à oreille et avec un effet levier qi lui permet d’assurer que l’argent sert effectivement des projets concrets. Enfin, ce qui m’a marqué a été à la fois les témoignages parfois bouleversants comme celui du fait qu’un irakien chrétien lors de l’attaque de la messe à Bagdad s’est jeté sur une grenade pour empêcher qu’elle ne tue d’autres personnes se condamnant de ce fait à la mort, l’aide humanitaire que les chrétiens de Ninive apportent aux habitants de zones sunnites libérées récemment (et où l’oei disposait d’un fort soutien) ou les villageois sunnites qui ont commencé gratuitement à reconstruire Mar Benham.

Pour conclure, la montée de l’oei était perceptible avant leur émergence (avant même certains quartiers de Mossoul étaient sous leur contrôle l’armée irakienne tenant les grands axes et les centres villes. Enfin, si le gouvernement irakien ne va clairement pas favoriser la liberté religieuse, on peut du moins espérer qu’il garantisse une tolérance religieuse sur le modèle iranien. Cependant, la conférence aurait pu aborder le fait que les pays occidentaux n’ont clairement pas pris les bonnes décisions (sans idéaliser le régime de Saddam Hussein, le renverser a abouti aux résultats qu’on sait et la décision par exemple de la France d’accueillir des réfugiés chrétiens a à la fois stigmatisé les chrétiens comme « occidentaux » , poussé les groupes islamistes à intensifier leurs attaques pour « faire fuir les chrétiens en Europe » et affaibli les chrétiens restant numériquement moins nombreux du fait de l’émigration et donc cibles encore plus fragiles).